mardi 1 mars 2016

#OnVautMieuxQueÇa

Quand je travaillais dans une exploitation agricole, j'ai remplacé pendant plusieurs semaines une machine défaillante, appelée mireuse et qui trie les œufs qui viennent d'être pondus. Des centaines de milliers d’œufs chaque jours. J'ai manipulé à mains nues et sans masque de protection des œufs couverts de merde de poule. Quand j'ai demandé à avoir des gants on m'a dit, à peu presque, que j'étais pas au Ritz. J'avais besoin de taffer. J'ai fermé ma gueule.


Je pourrais vous faire une longue liste de ce que j'ai vécu au travail mais cela n'est pas mon envie. Si vous lisez ce blog depuis un moment, vous savez de quoi je parle, sinon, cela n'est pas très grave car mon propos aujourd'hui n'est pas de rester centrée sur mon expérience.

Le travail… Je vais zapper l’étymologie et la définition de ce mot « travail ». En psychologie du travail, les termes emploi – activité – travail sont clairement différenciés (je vous épargne le jargon et les définitions). On peut travailler sans pour autant avoir un emploi salarié, par exemple. Ça vous paraît incongru ? Une personne qui est au foyer à s'occuper de la bonne marche de la maison, de toute la logistique, des enfants ? En psycho du travail on dira qu'elle travaille mais sans pour autant avoir un emploi salarié. Une personne bénévole dans une association qui donne de son temps et de ses compétences ? Elle travaille aussi. Et qu'en est-il des personnes dont le-la conjoint-e a une activité professionnelle non salariée et qui aident sans pour autant avoir de statut ? Elles travaillent également ! Et des exemples comme ceux-là il y en a à la pelle !!
J'en entends déjà qui réagissent fortement… Comment ? Être au foyer est un travail ? Être bénévole est un travail ? Aider sa-son partenaire dans son activité professionnelle est un travail ? Je vous entends dire aussi, le travail, le VRAI, c'est avec un contrat et une contrepartie financière. Ah oui ? Et les personnes qui font toutes ces activités, c'est un hobby ? De l'occupationnel ? Voyez les choses ainsi : que se passerait-il, au niveau sociétal, si elles ne faisaient plus ce qu'elles font ? Hop ! Du jour au lendemain, terminé ! Elles arrêtent tout ! Réfléchissez-y vraiment et on en reparle si vous voulez…

Pour la simplicité de mon propos je vais donc parler de travail dans le sens communément utilisé pour désigner l'activité rémunérée.

On nous impose propose donc une réforme du Code du Travail parce que les lois qui protègent le travail seraient trop contraignantes et bloqueraient l'économie et la sacro-sainte croissance. Lorsque j'ai entendu ça, je me suis dit que une fois de plus c'était les travailleurs (au sens de « ceux qui travaillent dans le cadre d'un contrat quel qu'il soit » ) qui auraient à s'adapter et qu'on avait vraiment dépassé le stade du nivellement par le bas.
Il paraît que ce vilain Code du Travail est un frein voire une entrave à l'activité économique. Ah oui ? Vous en êtes certain-e-s ? Oui, il y a des lourdeurs administratives colossales et c'est de pire en pire. Oui, certains aspects de ce Code sont probablement à regarder autrement et à amender. Mais libéraliser le droit du travail au mépris de ceux qu'il est sensé protéger ? Je ne dis pas qu'il ne faut pas toucher à ce Code, juste qu'il faut arrêter de faire n'importe quoi.

Je n'ai entendu personne dans les politiques, dirigeants, entrepreneurs, employeurs, patrons remettre en cause la manière dont le travail était organisé. Oui, et si c'était lié à des questions d'organisation du travail et de gouvernance ? Pourquoi donc modifier, encore, le droit du Travail au lieu d'aller se poser la question de COMMENT on fait ce travail et COMMENT on pense son organisation ?
Mais pour cela il faudrait remettre en question un certain nombre de choses dont la manière dont sont formés les futurs managers et dirigeants d'entreprises. La France n'est vraiment mais alors vraiment pas du tout reconnue dans les études internationales pour les qualités managériales de ses cadres (je mets en lien en bas de page deux articles de 2013 et 2015 sur cette question. J'ai eu la flemme de chercher plus, je suis une buse en recherches). Quand je lis que Bolloré considère que la terreur fait partie des méthodes pour diriger une entreprise, les bras m'en tombent.

Pourtant, il existe des entreprises qui ont fait le choix d'organiser le travail autrement. Des personnes ont eu le courage de se dire qu'il fallait penser l'organisation de travail différemment. Non seulement cela a été pensé mais cela a été appliqué.  Et ça marche ! Elles sont économiquement viables, performantes, dynamiques. L'organisation du travail y a été repensée. Elles pratiquent souvent le bottom-up : les idées viennent de la base. Les personnes qui sont aux postes de travail sont consultées, on leur demande leur avis sur ce qu'elles font et comment elles le font. Car * attention enfonçage de porte ouverte * qui mieux que la personne qui est toute la journée sur une machine ou à faire une tâche spécifique sait de quoi il retourne et connaît son métier ?! Quand allons-nous arrêter de penser que les « sachants » sont les cadres, les directeurs ou les ingénieurs et que les employés sont des masses inéduquées qui ne comprennent rien et qui n'ont rien à dire ? Là encore : pensez-vous vraiment que les usines/entreprises tourneraient bien si les employé-e-s se contentaient d'exécuter des tâches prescrites sans l'intelligence du métier ? Que ceux qui sont encore persuadés de cela lèvent la main et partent se cacher honteux

J'ai lu deux livres au cours des derniers mois qui m'ont fondamentalement fait regarder l'économie autrement : « Le syndrome du poisson lune » de Emmanuel Druon et « les entreprises humanistes » de Jacques Lecomte.
Je ne suis pas économiste, je m'intéresse assez peu à la science de l'économie. Mais là, j'ai découvert qu'il était possible d'allier, à grande échelle, organisation du travail pertinente/collaborative/participative/etc. et profits. Des entreprises ont fait des choix courageux qui ont pu paraître fous et pourtant aujourd'hui elles sont pour certaines leaders sur leur marché. Saviez-vous que Groupe Up (les chèques déjeuners vous connaissez forcément!) est une coopérative ? Ils sont juste un petit peu super bons dans leur domaine (en 2014, ils ont fait 317 millions de chiffre d'affaire).
Faire du business autrement tout en conservant le profit est possible. Mais pour cela, il faut du courage. Ne pas se dire que diriger une entreprise c'est du pouvoir, de l’ego et du « je suis l'unique personne qui sait ce qui est bon pour vous et mon entreprise ». Diriger une entreprise n'est pas régner en maître absolu, enfin, je ne crois pas.

Personne ne connaît mieux ce qu'il-elle fait que la personne qui le fait = l'intelligence pratique est une richesse pour peu qu'on accepte de regarder, d'écouter et d'apprendre. Les relations entre employeurs et employés sont si dégradées aujourd'hui que chacun est retranché sur ses positions et plus rien ne bouge. On est entré dans le cercle infernal Persécuteur – Victime – Sauveur (le triangle de Karpman, vous connaissez?) et personne ne sait comment en sortir ou ne le veut. Selon la place à laquelle on se trouve soit c'est « méchant patron – gentils / pauvres salariés » soit c'est « profiteurs/ méchants salariés – gentil patron ». Un peu simpliste, non ?
On ne négocie plus : on veut faire céder l'autre.
On n'écoute plus ce que l'autre a à dire : on cherche juste à contrecarrer ses arguments sans chercher à comprendre ce qui est exprimé.
On n'est plus en Démocratie : c'est l'épreuve de force.

Donc j'en reviens à ce que je disais : avant de modifier le Code Du Travail et si CeuxQuiCroientToutSavoir se penchaient plutôt sur l'organisation du travail ? Mais cela demande du courage, d'être visionnaire et de sortir de sa zone de pouvoir si grisante. Cela demande de ne pas vouloir avoir que le pouvoir et gouverner seul-e. Cela demande de travailler et de réfléchir, ensemble.

Alors oui #OnVautMieuxQueÇa parce que c'est possible de faire les choses autrement ! 


Pour aller plus loin : 



 

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