dimanche 13 janvier 2013

Tristesse et (coup de) gueule de bois

Lorsque j'ai ouvert ce blog, j'ai décidé de ne pas publier de billets sur mes convictions politiques, religieuses et sociétales. Pas le propos et pas très envie. Maintenant, j'imagine qu'à la lecture de ce que j'écris, vous vous doutez bien que je suis plutôt ancrée à gauche, que je suis préoccupée par l'Humain et que j'ai du mal avec les injustices. Ceux avec qui je discute sur Twitter le savent.
Je me retiens depuis un très très long moment et je vais allègrement faire voler en éclat ma décision initiale. Je vais causer d'un fait de société ou plutôt de ce qui se passe autour d'un fait de société. Vous donner mon point de vue.


Afin de lever toute ambiguïté : je suis en accord avec le droit pour chaque être humain de se marier avec la personne de son choix. Tomber amoureux, vouloir faire un bout de route ensemble ou tout le voyage, homme-femme, femme-homme, femme-femme, homme-homme : rien à secouer du « genre » ou du « sexe » des protagonistes. L'amour n'est pas une question de « genre » ou de « sexe » mais de personne. Jusqu'à présent, je suis tombée amoureuse/ai eu des relations avec des hommes. Rien ne dit qu'au cours du parcours de vie qu'il me reste à faire je ne tomberai pas amoureuse/aurais une relation avec une femme. Question de personne...
Le concept même de mariage me fait dresser les cheveux sur la tête mais je peux comprendre que d'autres y adhèrent et souhaitent « contracter mariage » comme on dit. Tant qu'il y a la liberté de choix.

Autre précision : je condamne résolument l'homophobie, le racisme, la connerie et l'enfermement intellectuel.

Maintenant, au fait :

Depuis des semaines, le « débat » autour du mariage pour tous fait rage à coup de petites phrases nauséabondes, de clichés d'un autre temps, d'incompréhensions, de formules à l'emporte pièce et surtout de « J'ai raison, tu as tort, ferme ta gueule ». Je trouve ça insupportable et ça me met dans une colère certaine, une certaine rage même.

Et là, je ne pointe pas une organisation de droite catholique extrémiste ou certains élus ou personnalités religieuses. Non. Pour moi, tout le monde est concerné.
Des propos d'une bêtise, d'une intolérance, d'une puanteur rares ont été prononcés contre ce mariage et contre les homosexuels. C'était à vomir. Et chaque fois qu'il y a à dénoncer, je dénonce.
Là où je commence à très sérieusement monter en pression, c'est lorsque j'entends/lis/constate que tout le monde est mis dans le même panier. En gros aujourd'hui, catho = homophobe (pédophile aussi j'ai entendu.), Homo = dégénérés (j'ai aussi entendu pédophile). C'est insupportable.

Aujourd'hui, des personnes opposées à ce projet de loi vont défiler : il va y avoir les ultras de tous bords, les intégristes bien réacs et des personnes qui sont contre ce mariage accessible à tous parce qu'ils y voient un bouleversement radical de la structure sociétale appelée « famille » et de la notion de filiation. Cela leur fait peur. Cela vient mettre à mal certaines de leurs croyances les plus ancrées sur ce sujet. Pour autant, cela ne veut pas dire que ces manifestants soient tous homophobes.

J'ai grandi dans une famille catholique. J'ai donc reçu une éducation assez stricte et morale. Je m'en suis détachée, j'ai réfléchi, élaboré et travaillé sur ces questions. Pour autant, je ne juge pas les personnes qui sont croyantes et qui pratiquent une religion. Tant qu'elles ne cherchent pas à me l'imposer ou à m'imposer leurs croyances. Cela n'empêche pas de discuter. On peut ne pas être d'accord après tout.

Je vais essayer de sortir un peu de ce débat « pour et contre ». Parce qu'il y a un fait : quand on vient toucher aux croyances, ça fout le bazar. Je ne sais pas si vous êtes familiers avec la pyramide des niveaux logiques ? Bateson et Dilts s'y sont intéressés. J'ai essayé d'en faire une simplifiée pour vous expliquer.



L'humain, dans sa construction psychique et identitaire est fait de différentes « strates » qui vont des plus simples aux plus fondamentales, aux plus vitales. Il est généralement dit que le changement est possible sur les trois premiers niveaux. En revanche, venez toucher aux croyances et aux idéologies et c'est la structure même de la personne qui peut s'en trouver déstabilisée, profondément, mise en danger. Cela ne veut pas dire que la personne elle-même ne peut pas évoluer sur la question de ses croyances et de ses idéologies. Mais qu'une personne extérieure vienne mettre à mal ces niveaux, contre la personne, et cela déclenche des mécanismes de protection et de défense.
Par exemple : imaginons qu'une personne A grandit en croyant profondément que la couleur jaune est toxique et entraîne de graves maladies. Que se passe-t-il si quelqu'un B vient lui dire que le jaune est une protection et qu'à partir de maintenant il faut porter des vêtements de couleur jaune tous les jours sous peine de tomber malade?
A votre avis, comment A va-t-elle réagir ? Elle va se dire qu'elle va être intoxiquée et qu'elle va tomber gravement malade. Elle va se sentir en danger, totalement déstabilisée et va donc chercher à éviter, par tous les moyens, de s'habiller en jaune. Peut-être arrivera-t-elle, peu à peu, à avoir un point de vue différent et à s'habiller avec un peu de jaune, ou pas. Est-ce que cela fait d'elle une mauvaise personne ? A pensera que B est une mauvaise personne et inversement. Pourtant ni l'une ni l'autre le sont. Elles ont juste des croyances et des points de vue différents. Et cela peut aller jusqu'à rendre le dialogue impossible.
Je prends cet exemple là mais cela s'applique à la vie de tous les jours : c'est bien ces valeurs, croyances et idéologies qui constituent la structure/colonne vertébrale de chaque être humain.
Je ne porte aucun jugement de valeur sur les croyances et les idéologies ici : elles sont propres à chacun et ce que je vous explique s'applique à chacun d'entre nous.

Et c'est ce qui est en train de se passer : un certain nombre de personnes ressentent que leurs croyances sont sur le point d'être mise à mal. A tort ou à raison. Ce qui m'attriste et me met en colère en même temps, c'est qu'il faut choisir un camp, sous peine d'être taxé de ci ou de ça. Tous les opposants à ce projet de loi ne sont pas des satans malfaisants homophobes et rétrogrades. Et tous ceux qui soutiennent ce projet ne sont pas des anges non plus. Mais on n'entend que les plus extrêmes, ceux qui causent plus haut et plus fort que les autres.

Ce qui me peine profondément aujourd'hui, c'est qu'il n'y a aucun dialogue. Je ne parle que de la question du mariage là, rien de plus.
Et je sais bien que le dialogue ne sera plus possible avant longtemps parce que cela est allé trop loin dans les propos outranciers et abjects. C'est aussi allé trop loin dans les extrêmes et que ceux que l'on a entendu dans les médias n'étaient ni posés, ni modérés, ni à l'écoute des arguments des uns et des autres.

Je sais bien que je risque de me prendre une volée (des volées) de bois vert, que je peux me faire insulter et que sais-je encore. J'ai bien conscience qu'il ne va pas y avoir foule à aimer ce que je viens d'écrire. Eh bien tant pis.

Et on se retrouve le 27 janvier dans la manif' ?!

17 commentaires:

  1. Superbe message sur la tolérance et donc l'intolérance générale qui pèse en France actuellement.
    Je ne connaissais pas la pyramide de Bateson et Dilts. Intéressant. Ça me rappelle qu'on apprend l'importance de manipuler BEAUCOUP de precaution (voir dans certains cas à ne pas y toucher) les fondements/ancrages/croyances quand on travaille en aromathérapie.


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    1. Chacun a fait la sienne. Cette pyramide n'est pas un travail commun fait de concert :-)
      C'est ce que j'ai appris : ne jamais toucher aux croyances/ancrages/fondements (ms c'est en psycho et travail social dc c'est un autre domaine...)
      Merci pour ton commentaire :-)

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  2. Et bien moi, je fais partie de ceux qui AIME ce billet. Oui comme le dit mad Sushie très beau message sur la tolérance !
    Merci !

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  3. Je ne suis pas d'accord. Ou alors il faut aussi accepter que certains soient racistes parce qu'ils ont été éduqués avec l'idée que le noir était inférieur ? L'intelligence humaine devrait permettre d'évoluer. Il faut donc lutter contre l'ignorance.
    Refuser qu'un autre être humain ait les mêmes droits que soi me choque. Refuser que les noirs aient les mêmes droits, c'est du racisme; refuser que les homos aient les mêmes droits, c'est de l'homophobie, non ?

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    1. Je n'ai à aucun moment dit qu'il fallait accepter. Avez-vous lu le billet dans son entier? J'ai juste essayé d'expliquer, de mon point de vue, ce qui peut conduire à ce qui se passe aujourd'hui. Est-ce que "lutter contre l'ignorance" comme vous dites doit se faire au moyens du mépris et du dénigrement des croyances fondamentales des personnes?
      Mon point de vue, et ça n'est que le mien, est que pour lutter contre les préjugés et les "ismes" et "---phobies", il est important de comprendre (ce qui ne veut pas dire accepter, cautionner, excuser...) le point de vue de l'autre afin de saisir ce qui conduit à de telles croyances, d'une part. Et qu'une personne peut avoir des idées qui choquent et qui génèrent de l'incompréhension sans pour autant que cette personne soit un monstre ou un sous-humain, d'autre part.
      Mais ça n'est que mon point de vue...

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  4. Je suppose que le Bateson dont tu parles est Gregory le fondateur de l'école de Palo Alto. J'ai lu avec intérêt son "La Nouvelle communication" en d'autre temps et il doit être dans mon grenier au côté des bouquins de Barthes. Je pense que le problème dépend plus de la sémantique générale à savoir le poids psychologiques des mots et leur retentissement sur l'équilibre mental de l'individu. Ce qui est intéressant dans Bateson c'est qu'il a mis en exergue ce qu'on appelle la double contrainte. Or, à mon avis, aujourd'hui, l'environnement et l'idéologie dominante utilise constamment la double contrainte qui se traduit pour l'individu moyen à des réactions et analyses partant du mode mental automatique qui est celui normalement utilisé en période de stress.
    Sinon sur le fond du problème, j'attends l'épisode de The Big Bang Theory quand Penny sera la mère porteuse de l'enfant de Sheldon et Amy conçu artificiellement.
    LLAP

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    1. J'aime beaucoup ton analyse et tu m'apprends des choses nouvelle, comme souvent! Je ne connais que peu de choses sur Bateson, tu en sais plus que moi. Je trouve que ce que tu dis sur le mode de réaction "stress" est intéressant...Merci du partage!
      LLAP

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  5. Il y a une dimension dont tu parles peu et où je rejoins le commentaire d'Emma un peu plus haut. Au delà de la résistance psychologique, l'individu doit être capable, sinon de remettre en cause ses idéologies et croyances, au moins de les questionner pour se forger un avis, sur la base de données objectives (donc au-delà des croyances).

    Sur ce sujet, comme évoqué ensemble sur Twitter, les 2 camps sont vite entrés dans l'échange d'outrances. Mais une grande partie du débat se jouait en dehors du plan de la croyance et forcément sur le plan de la loi et du politique. Et sur ce second plan, refuser l'argumentation de l'autre, ce n'est plus une simple résistance à la remise en cause, c'est de la mauvaise foi.

    Je pense ici à ces figures de proue, un peu autoproclamées, du camp des "anti", qui se sont jamais sorties de l'intox sur le strict plan politique - cf. la question de l'organisation d'un référendum (impossible, la Constitution ne le prévoyant pas sur les questions de société) ou le texte du projet : "parent 1 & 2" ou encore PMA, 2 données absentes de la proposition de loi.

    Derrière, le niveau des autres arguments "contre" n'ayant que peu quitté le caniveau, certains défenseurs du projet ont sombré dans la même facilité, pour le magnifique rendu global dont tu parles.

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    1. Une croyance ne repose pas toujours sur un raisonnement rationnel et construit donc il n'est pas si simple de la faire évoluer. De plus, pour qu'une personne évolue sur une croyance, change d'avis même, il y a besoin que quelque chose d'autre la remplace : un peu comme qd tu fais un trou ds un mur porteur, tu mets des étais en place pour éviter que tout s'effondre...Les croyances sont des murs porteurs...certaines personnes sont prêtes/capables d'y faire des ouvertures, d'autres non.

      Après, je crois qu'il y a eu une politisation, dont tu parles, et que ça n'a vraiment, mais vraiment pas aidé : leur propos était plus de critiquer le gouvernement qu'autre chose et le projet de loi a été un des vecteurs.

      Il y a des personnes de mauvaise foi, il y a des outranciers, des manipulateurs, des récupérateurs. Oui, c'est évident.
      Il y a aussi pas mal de personnes (non médiatisées) qui ne sont pas homophobes, qui ne parviennent cependant pas à encore accepter ce changement sociétal qui se profile, et qui face aux amalgames répétés ces dernières semaines se sont rigidifiées dans certaines de leurs positions (= puisque de tte façon être catho = être homophobe et bien allons-y...) tout comme, il y a eu rigidification chez les "pro" aussi du fait des propos abjects et immondes tenus par certains "anti"...

      Aujourd'hui, c'est inextricable et chacun campe sur ses positions. C'est allé trop loin. Il faut que cette loi soit votée au plus vite maintenant...

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    2. Oui effectivement, et j'aurais du en parler dans mon premier commentaire, remettre en cause ses croyances nécessite un vrai effort dont tout le monde n'est pas capable.

      Et comme tu dis, une énorme majorité de ces 40 à 48% de français qui sont, selon les sondages, défavorables au projet de loi, ne sont juste pas préparés pour cette évolution, sans être de gros fachos homophobes pour autant. Et comme pour le PACS ou de précédentes évolutions, la grande majorité d'entre eux s'y fera avec le temps.

      Enfin, comme tu dis, je crois que les positions sont acquises et ne bougeront plus qu'à la marge. Vite la loi !

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  6. Il est bien, ce billet ! :-)
    @BicyleRepairMan

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  7. Je n'arrive pas à réagir sur ce billet. Je souhaiterai juste apporter une information complémentaire. Ce débat a existé avant nous et après nous. Voici les pays qui ont ouvert la marche :
    * Pays-Bas (avril 2001)
    * Belgique (janvier 2003)
    * Espagne (juillet 2005)
    * Canada (juin 2005)
    *  Afrique du Sud (depuis novembre 2006)
    * Norvège (janvier 2009)
    * Suède (avril 2009
    * Portugal (mai 2010
    * Islande (juin 2010))
    *  Argentine (juillet 2010)
    * Mexique dans certains États :
    o District fédéral (2011)
    o Quintana Roo (2011)

    * Danemark (juin 2012)

    *  Brésil dans certains États :
    o  Bahia (novembre 2012)
    o  Piauí (décembre 2012)
    o  São Paulo (décembre 2012)

    *  États-Unis dans certains États :
    o  Connecticut (2008)
    o  Iowa (2009)
    o  Maine (2012)
    o  Massachusetts (2004)
    o  Maryland (2013)
    o  New Hampshire (2010)
    o  New York (2011)
    o  Vermont (2009)
    o  Washington (2012)
    o  Washington D.C. (2012)



    Ayant la chance d'avoir de la famille très proche dans 7 de ces pays, j'ai pu suivre attentivement le débat lorsque "le mariage pour tous" a été évoqué dans tous ces pays.
    La seule chose que je peux dire c'est que nous restons bien (pour le moment) au dessus du lot quant aux ignominies évoquées dans ces débats.Remarquez au passage le passage de la loi dans des pays où la religion catholique est très ancrée.
    Je terminerai en soulignant qu'aucune rupture fondamentale n'a été observée dans ces civilisations une fois que la loi est passée et appliquée. Pas de chasse aux sorcières, pas de rejet de nationalité, pas de migration en Russie pour désaccord, etc...
    Qu'est-ce qui est raisonnable, souhaitable, normale pour traiter un sujet aussi sensible ? Je pense que nous le sommes même si cela n'est pas satisfaisant.

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    1. Merci de ton commentaire, oui, merci :-)
      J’ignorais certaines infos que tu apportes. Pour le reste, tu te doutes bien que je suis plutôt en accord avec toi ;-)

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  8. Trop concernée pour être dans ce débat. Je ne suis pas du genre à traiter de "pédophiles" tous les curés, mais pour moi refuser à des citoyens le droit d'être des citoyens à part égale, en raison de leur sexualité, c'est effectivement comme le refuser à des gens en raison de leur couleur, leur taille ou autre chose de ce genre.
    Pour le reste, je m'étonne toujours d'être un "sujet de société". Je voudrais, à 54 ans, avoir la possibilité de me marier avec ma femme pour la protéger, en cas de décès. C'est tout. A 20 ans j'étais contre le mariage, mais en fait, c'était l'idée de vivre avec un homme à plein temps qui me rebutait. Vous aurez compris pourquoi. Et puis, l'idée de "pour toujours". A 54 ans, on sait que le "pour toujours" ne sera pas si long que ça. Alors s'engager est possible.

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  9. D'accord avec toi. Nul ne doit refuser aux citoyens d'être tous des citoyens égaux.
    Pour moi, un "sujet de société" en est/devient un lorsque il y a besoin/choix/nécessité à légiférer...Après, le mariage est (devrait être) un choix personnel et une question intime. Je ne suis pas très mariage mais chacun est libre. En gros, mariage pour personne ou mariage pour tous mais pas de demi mesure...

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