lundi 1 septembre 2014

Le féminisme et moi - Coup de gueule

Jusqu'à ce qu'un jour le mec d'une amie me dise « t'es féministe toi », jamais je ne m'étais posée la question en ces termes là. Je suis une femme qui considère que tous les citoyens ont (ou devraient) avoir des droits égaux quelque soient sur sexe/genre/couleur/que sais-je encore. Alors quand j'ai entendu cette phrase, j'ai ri et pourtant, j'ai fini par y réfléchir.

Je ne viens pas d'une famille de militantes féministes. Pas du tout même. Mais je viens d'une famille où, du côté maternel entre autre, les femmes ont des personnalités affirmées et des histoires singulières. 

Ma grand-mère était tout à la fois catholique traditionnelle fervente, prônait l'indépendance financière des femmes et l'a illustré en travaillant tout au long de sa vie (combien de fois j'ai entendu : ma petite-fille, il faut que tu apprennes un métier car tu ne dois pas dépendre d'un homme), défendait la structure traditionnelle de la famille et était (ça me fait mal de le dire) en fait homophobe (elle considérait que l'homosexualité était une maladie qui pouvait se soigner).
Ma mère a réussit une brillante carrière, est une catholique traditionnelle fervente, a fait parti de comités de réflexions autour de la Loi Neuwirth * et de la loi Veil **, a soutenu ces loi mais c'est par la suite sentie trahie car il semblerait qu'il devait y avoir un volet « accompagnement des femmes enceintes qui ne voulaient pas avorter » et que ça serait passé à la trappe (tout ça, c'est ce qu'elle m'en dit) et trouve que « régulariser » sa situation quand on est en couple c'est quand même vraiment mieux et socialement plus acceptable (= se marier car c'est une protection pour la femme).
J'ai souvenir d'avoir accompagné ma mère voter quand j'étais toute petite, ce qui a donné lieu à des scènes mignonnes où moi avec mes couettes et du haut de mes quelques années demandait d'une voix haute et claire « dis maman, pourquoi faut se cacher pour mettre ce papier là dans l'enveloppe »... Il n'empêche que j'ai appris beaucoup de choses sur le processus démocratique en accompagnant ma mère voter et même dépouiller une fois ou l'autre.
J'ai appris que les femmes n'avaient eu le droit de vote que tard et qu'elles ont juridiquement dépendu de leur père ou de leur mari pendant longtemps pour beaucoup de choses, même du quotidien. Cela, je l'ai appris en parlant avec ma grand-mère qui répondait à mes pourquoi constants de gamine curieuse.

Moi dans tout ça ? Je ne suis pas catholique fervente, j'ai appris un métier, j'ai avancé dans la vie du mieux que je pouvais. Je suis indépendante. J'ai quasiment toujours subvenu à mes besoins (mais parfois les circonstances ont fait qu'il en a été autrement). J'ai fait des choix et je me suis positionnée sans me demander au moment où je le faisais si c'était féministe ou pas.
En fait, je crois que j'ai le féminisme du charbonnier comme d'autre ont la foi du charbonnier : je le suis mais sans me prendre la tête. Je n'ai pas lu de théorie dessus en revanche j'ai toujours été passionnée par les discussions sur le sujet donc j'ai appris comme ça. J'ai vu et lu les « Monologues du Vagin » et je suis admirative de ce que fait Eve Ensler *** comme activiste. Je suis incapable de théoriser sur le sujet car en fait cela ne m'intéresse pas (Ouuh pas bien!!). Ce qui m'intéresse, c'est comment au quotidien être une femme de convictions. J'abhorre le sexisme, le machisme, les schémas de représentations, les injustices et tout ce qui place les femmes en situation d'inégalités.
Je n'ai pas l'impression d'être devenue féministe ou de l'avoir appris mais de l'avoir toujours été, enfin en quelque sorte. Par mes actes, mes paroles, ma manière d'être au monde. J'ai appris, en revanche, à être plus humaniste, plus ouverte aux différences, moins jugeante, moins manichéenne et ça je le dois à mon métier d'éduc'. Se retrouver à travailler avec des personnes en grandes difficultés oblige à regarder le monde autrement.
Mon féminisme, je l'ai exprimé auprès d'autres femmes lorsque nous avions des discussions sur la famille, le travail, le rapport aux hommes. Certains pères de familles n'ont pas aimé que leurs compagnes finissent par s'affirmer et vouloir trouver du travail. Je respecte autant les femmes qui souhaitent un travail salarié que celles qui souhaitent s'occuper de leur famille. J'ai rencontré des femmes jeunes qui, en conscience, souhaitaient s'occuper de leur maison, de leurs enfants et de leur compagnon. Elles géraient le budget de la famille et cela fonctionnait. Alors oui, c'était une répartition « traditionnelle » peut-être faut-il dire « sexuée » des tâches, mais elles s'y retrouvaient et leurs arguments étaient réfléchis et cohérents. D'autres, au contraire, mettaient un point d'honneur à avoir une activité salariée, même à temps partiel, parce qu'elles voulaient apporter leur part au budget de la famille, sortir de chez-elles et voir du monde. Bref, il n'y a pas de bon ou de mauvais « modèle » à partir du moment où il n'est pas imposé. Maintenant, ne nous voilons pas la face, un certain nombre de femmes subissent, endurent, assument. Et les femmes battues, abusées physiquement et/ou psychologiquement, victimes de viol/inceste, traitées comme des moins que rien, etc... j'en ai rencontré beaucoup, beaucoup trop et j'en ai déjà parlé sur ce blog. Mais je digresse.

Le féminisme donc... Les amis avec qui j'en parle m'ont demandé, en vrac, si je détestais les hommes (ah non, pourquoi?), si j'allais arrêter de m'épiler (non plus), si j'allais un jour arrêter de me faire appeler madame (mais certainement pas!), si je refusais de l'aide si elle était proposée par un homme (heu... non, en fait cela dépend de la manière dont l'aide est proposée...). Je pourrais continuer longtemps avec mon énumération. La question n'est pas là en fait.
Cela me parait évident qu'il n'y a pas un mais des féminismes. C'est l'impression que j'ai en lisant différents blogs, articles, points de vues. Les écrits théoriques sur le féminisme sont certainement importants au même titres que les chroniques ou livres de vulgarisation. Car oui, la vulgarisation est importante sous peine de rendre le féminisme abscons avec ses termes, son jargon, ses courants et totalement hermétique au plus grand nombre.
Or, j'ai l'impression qu'il y a un clivage de plus en plus grand entre un/des féminismes militants « officiels », urbains, théoriciens (parfois voire même dogmatiques), connectés 2.0 et un/des féminismes plus divers, pragmatiques et multiples dans leur expression.

Ce qui me défrise totalement, c'est les clash constants entre ces différents courants. Comme si une pensée était meilleure ou supérieure aux autres. Ce qui a pu se passer suite à l'article de Sophie ou la BD de Muriel en est une illustration bien nauséabonde (sachez que j'ai apprécié l'un et l'autre). Mais qu'est-ce qui vous prend ? Ne faudrait-il pas plutôt essayer d'avancer et de réfléchir ensemble plutôt que de se tirer dans les pattes (pour rester polie) pour faire prévaloir SON idée, SA vision du féminisme ? Pourquoi sonner l'hallali dès qu'un point de vue s'exprime de manière autre? Parce que, pour tout vous dire, je trouve que ce type de comportement fait meute hystérique et dictatoriale. Moi ça me renvoie immédiatement à la « bien-pensance », à ce qu'il est bien ou mal de dire/penser/exprimer... Les différences de point de vue enrichissent un débat bon sang de bois !!
Alors je me fous totalement de déplaire à X, Y ou Z. Tout ce que je vois, c'est un déferlement haineux contre des femmes qui ont écrit et dessiné leur point de vue personnel et qui se refusent à tout dogmatisme. Mais au nom de quoi ?! Qui peut décider de s'ériger en chantre de ce qu'il est bien de penser ou dire ? Cela me fait froid dans le dos.
Je croyais que la marque des personnes intelligentes était le dialogue et l'ouverture d'esprit. D'évidence, je me trompais...

* : loi Neuwirth sur la contraception, 1967
** : loi Veil sur l'avortement, 1975
*** : auteure des « Monologues du vagin » et féministe activiste, américaine

2 commentaires:

  1. J'aurais tendance à partager tes positions (si j'emploie le conditionnel, c'est uniquement parce qu'il me paraît toujours un peu indécent qu'un homme ose donner pleinement son avis sur la question)

    Pour autant, un élément me gène un peu.

    Contre le racisme, il y a l'anti-racisme (auquel j'adhère)
    Contre les discriminations, il y a des lois anti-discrimination (auxquelles j'adhère)
    etc.

    Par contre, pour lutter conter le sexisme, pourquoi faire le "féminisme" ?

    Quand j'entends ce mot, j'ai plus l'impression d'un mouvement visant à faire la promotion de la femme, voire à en assurer la supériorité qu'une volonté (à laquelle j'adhère) de gommer les inégalités et assurer aux femmes la possibilité de faire la même chose que les hommes, aux mêmes conditions.

    C'est un peu dans ce sens que je comprends les femmes qui nient le "féminisme" (et je ne parle pas des nunuches "I don't need feminism") parce qu'elles ne se reconnaissent pas dans cette lutte quasi-belliqueuse menée par les extrémistes.

    Un exemple de combat : je trouve pas mal de publicités sexistes mais pas uniquement celles qui montrent des femmes nues pour vendre un objet (yaourt, cuisine, voiture, etc.) mais aussi celles qui mettent volontairement des hommes dans des positions délicates (bras de fer perdu, incompréhension devant une machine à laver, etc.)

    Il est vrai que ma position est plus facile, mon genre ayant encore (malheureusement) implicitement "le dessus" dans beaucoup de domaines mais ce n'est pas en tentant de montrer que les femmes sont supérieures qu'on apaisera quelque chose et qu'on fera avancer la cause des femmes.

    L'Apartheid ne s'est pas terminé parce que N. Mandela a montré la supériorité des noirs mais parce que (presque) tous ont accepté l'égalité des gens, quelque soit leur couleur. (quoique, là-bas encore, il reste du travail à faire)

    Ma réponse n'est pas un plaidoyer contre ton texte car, comme je le disais en préambule, je suis d'accord avec (presque) tout mais, les mots étant importants, il serait plus judicieux de lutter pour l'anti-sexisme que de tenter d'hagiographiser les femmes via un féminisme mal-formulé (à mon avis).

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    1. Merci pour ton commentaire!
      Je crois qu'il y a différents niveaux. Je ne peux pas reprendre l'historique du mouvement féministe car je ne le connais pas vraiment et je ne veux pas raconter n'importe quoi.
      Je pense (je ne suis pas la seule à le dire) qu'il y a des féminismes et non LE féminisme. La définition basique du Larousse dit que c'est un "Mouvement militant pour l'amélioration et l'extension du rôle et des droits des femmes dans la société", celle de wikipédia est plus large et dit que "Le féminisme est un ensemble d'idées politiques, philosophiques et sociales cherchant à définir, promouvoir et établir les droits des femmes dans la société civile et dans la sphère privée. Il s'incarne dans des organisations dont les objectifs sont d'abolir les inégalités sociales, politiques, juridiques, économiques et culturelles dont les femmes sont victimes." Je me retrouve dans cette dernière définition.

      Il y a des féministes belliqueuses en effet, il y en a qui ne le sont pas. Entre les différents mouvements, associations et courants qui existent, il est difficile de regrouper tout le monde sous la même bannière de "féminisme".
      En ce qui me concerne, le féminisme c'est agir pour l'égalité entre les femmes et les hommes en droit et pour que, dans notre société, les femmes ne soient pas considérée comme inférieures aux hommes. Il ne s'agit pas d'asseoir une supériorité. C'est là où certains discours féministes me dérangent. Je considère qu'il ne s'agit pas d'une guerre mais bien d'apprendre à vivre ensemble en faisant tomber les schémas de représentation, les stéréotypes, les paternalismes et tout ce qui va avec. Car pour certains encore la femme est considérée comme un objet et non comme un sujet à part entière.
      Maintenant, je suis tout aussi choquée de voir une pub sexiste envers une femme qu'envers un homme. Je ne suis pas "anti-homme" et je ne cherche pas à entrer en compétition non plus.
      Et là conclusion, je suis en train de me dire "ah oui tiens, quelle est la différence entre l'anti-sexisme et le féminisme?" (je vais creuser la question du coup!)

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