J'ai
la gueule de bois et pourtant je n'ai rien bu. Hébétée, groggy
avec une forte envie de dire au monde entier « allez vous
en ! ».
Hier
encore, je me suis réveillée en me disant que, quand même, il
était temps que j'écrive une petite bafouille pour des vœux et
2015. Aujourd'hui, je me réveille avec l'envie d'écrire mais je ne
sais pas quoi. Je ne sais pas dessiner mais je sais écrire.
En
1986, lorsque la bombe a explosé rue de Rennes, j'étais rue d'Assas
avec une copine. Je ne sais plus quelle heure il était ni ce que
nous y faisions mais j'étais au lycée pas très loin donc je me
baladais beaucoup dans tout ce quartier. Il y a eu un bruit et j'ai
eu la chair de poule sans comprendre pourquoi. « Tu as
entendu ? ». Les sirènes des véhicules ne se sont pas
faites entendre tout de suite en fait. J'ai l'image en tête du
boulevard de Port-Royal fermé à la circulation des voitures et le
ballet incessant des véhicules de secours toutes sirènes hurlantes.
Dans le 91 qui me ramenait, je les voyais passer et je tremblais.
Lorsque je suis enfin arrivée chez moi, là-bas du côté de la
Mouffe, ma mère est devenue livide en me voyant car apparemment
j'étais grise. Je me suis effondrée en larmes sans parvenir à me
calmer pendant longtemps. Ma représentation du monde a volé en
éclat ce jour là. Il y a eu d'autres attentats par la suite. Il y avait un
climat de peur et de défiance assez impressionnant. Sortir, prendre
le métro, vivre, tout cela était un acte de résistance à la peur.