mercredi 6 avril 2016

Cette belle histoire...

C'est l'histoire d'une amitié. C'est l'histoire de la naissance d'une BD. C'est une belle histoire…

Lorsque j'ai rencontré mon amie, tout ce que je savais de son compagnon est qu'il était scénariste.
Lorsque je l'ai rencontré lui, il était sur un projet BD important qu'il se préparait à présenter à des éditeurs, avec son co-auteur. Il a eu, entre autre, l'idée de la première histoire, son co-auteur a apporté l'idée d'étendre à un concept plus complexe. Ils ont décidé d'écrire à deux.
Neuf arts, neufs histoires, neuf époques et contextes différents, une seule vie. Je l'ai écouté me raconter l'idée générale puis chaque tome. Je me suis demandée comment une telle idée avait trouvé naissance et comment elle avait pu se déployer pour prendre une telle ampleur. J'ai trouvé le concept fabuleux et chaque histoire géniale.

Puis il y a eu la nouvelle de la signature avec un éditeur pour les neuf tomes. Quelle joie ! D'histoires qui m'avaient été racontées mais qui n'avaient rien de tangible, cela prenait corps, elles allaient prendre vie.
Les mois, les années se sont écoulés. Moi qui n'y connaissait rien à la BD et au monde de l'édition, j'ai appris que c'était bien moins simple qu'il n'y paraissait. J'ai suivi, pas à pas, et découvert le processus de la naissance d'une BD.
Écrire un scénario de BD et le signer chez un éditeur n'est que la partie émergée de l'iceberg. Une fois le pitch vendu, il faut écrire le scénario dans son intégralité, être cohérent dans l'histoire, la psychologie des personnages, ne pas faire d'anachronismes historiques et cela neuf fois. Combien de recherches documentaires, d'écriture de versions de chaque scénario amendé, corrigé et affûté un nombre de fois incalculable ! Des centaines de blocs, de stylos, des milliers de mails, d'innombrables heures d'écriture.

Il y a ensuite l'entrée en lice des dessinateurs, des lettreurs (qui mettent les textes dans les bulles), des coloristes (qui mettent les planches en couleur). Ce sont de constants allers-retours, discussions et arbitrages qui se mettent en place avec chacun, avec l'éditeur.
Les deux premiers tomes ne sont pas encore sortis, que les auteurs travaillent déjà sur les suivants.
J'ai eu le plaisir de voir les premières planches. Cela a quelque chose de magique de voir se matérialiser une idée. Je sais aujourd'hui la somme de travail que cela demande, les questionnements, les doutes, les coups de bourre, les nuits et journées passées à travailler sans relâche, la fatigue, le stress. Il y a également l'émotion et les bonheurs lorsque cela prend forme. La création n'est pas chose facile. Une idée a beau être géniale, elle n'en demande pas moins un travail colossal. C'est de la joie, de la douleur, de la souffrance, de la colère, du découragement, de l'euphorie et plus encore.


Planches de sang (© Glénat - Berlion )


 Lorsque mon amie m'a dit il y a plusieurs semaines que « Planches de sang » était sorti des presses, mes yeux se sont mouillés.
Il y a quelque jours, je l'ai eu entre les mains. Enfin, il existait !! C'était écrit sur la couverture : de Marc Omeyer et Olivier Berlion. 

Je l'ai dévoré une première fois à la recherche de ce que je savais de l'histoire. En lisant, j'entendais Marc me raconter le scénario lorsqu'il n'était encore qu'une ébauche. Je nous revoyais sur la terrasse avec nos cafés le matin et qu'il me parlait de Rudi. Je le revoyais, après une nuit de travail, fatigué à l’extrême mais content (ou non) de ce qu'il avait produit. J'entendais mon amie me tenir au courant de l'avancement de l'écriture et de la parution. 


 
Planches de sang (© Glénat - Berlion )

Je l'ai relu, cette fois en prenant mon temps, en me plongeant dans l'intrigue et en regardant mieux les dessins. J'ai adoré ! Je suis peut-être partiale mais je ne suis pas complaisante. Je ne pourrais pas regarder Marc dans les yeux et lui dire que j'ai aimé si cela n'était pas le cas : il verrait bien que je pipote de toute façon. Nous sommes amis après tout.


J'ai eu ce privilège magnifique de vivre de près ce qu'est la naissance d'une BD, de neuf en fait. Mais j'ai aussi découvert qu'il est fort difficile de vivre de son art. Que le monde de l'édition n'est pas un univers d'enfants de chœur. Que la réalité économique peut facilement prendre le pas sur l'artistique. Qu'il faut batailler pour défendre ses idées et ses points de vue sur sa création. Qu'il faut être diplomate pour préserver les egos et susceptibilités de chacun. Qu'il faut être solide et croire en son projet jusqu'au cœur de son ADN. Qu'il faut avoir la foi chevillée au corps !

Aujourd'hui, 6 avril 2016, « Planches de sang » prend son envol : il trouve sa place sur les étagères des libraires. Ce premier tome (bientôt rejoint par le second « Le paradis de la terreur » ) échappe à ses auteurs pour vivre sa vie de BD. C'est un beau jour pour l'Art du crime, c'est un grand jour pour Marc et Olivier. Et de ma place, je ne doute pas un seul instant que le destin de cette BD et des huit suivantes va être magnifique.

C'est une si belle histoire…

Pour clore ce billet, j'ai demandé à Marc Omeyer, s'il voulait bien répondre à trois petites questions et il a accepté. Merci à lui.

S.F. : Pourquoi (écrire, du scénario) ?
M.O. : Tu vois toi-même dans ton billet tu as spontanément écrit un scénario : une séquence de temps complète, des personnages avec un objectif, tu as même créé une empathie sur eux par ton amitié...et puis des hauts des bas, le moment ultime et la résolution. Disons que parti d'une écriture spontanément poétique, volontairement non structurée, impulsive et libre, j'ai réalisé que toute expérience humaine est toujours vécue et racontée sous la forme d'une histoire. Ça a été un déclic majeur. Du coup j'ai voulu m'immerger dans une sorte d'étude au long cours, qui a duré très longtemps à vrai dire, pour en comprendre les ressorts, les logiques internes. C'est devenu vertigineux...Je crois que durant des années je n'ai pas tant écrit pour raconter, que pour comprendre comment raconter...

S.F. : Comment (en es-tu arrivé à l'Art du Crime) ?
M.O. : En janvier 2012 je me désespérais un peu de vivre de cette passion. J'avais écrit beaucoup de nouvelles, de scripts cinéma sans vraiment être pleinement satisfait du résultat. J'ai un esprit qui recherche toujours la complexité, et faire simple a souvent voulu dire pour moi, réduire voire mutiler. Alors par contre-pied je me suis dit : ok je vais partir du plus simple et m'y tenir. Là est née l'idée qu'un personnage trouve un livre et que le lecteur ou le spectateur vive ce moment comme un immense aboutissement, un wow total...Sur cette base, j'ai commencé à imaginer des pages manquantes. J'avais la fin d'une histoire à propos d'un livre sans fin...en quelques jours les personnages se sont invités dans ma rêverie : Nora, Rudi, Snail. Ils étaient là, mais encore très loin de leur caractérisation définitive, que nous avons aboutie ensemble avec Olivier. Nous avons recentré l'histoire sur une enquête policière, des éléments concrets, une progression soigneusement orchestrée des révélations, une mise en musique des émotions, de ce que chaque personnage ressentait. D'innombrables sessions avec Olivier pour peaufiner le récit, aller plus loin. Au fond ce que nous avons écrit ensemble c'est un scénario de film complet, raconté en 46 pages, grâce à toute la puissance et la magie de la BD. Et puis, et c'est là que nous avons tous les deux été emportés, c'est à ce moment que Rudi s'est pleinement révélé à nous, dans toute sa dimension. Une expérience que nous avons vécu comme des gamins ivres de bonheur : nous cherchions une pépite et nous avions trouvé une mine d'or !

S.F. : Quel effet cela t'a fait d'avoir le 1er album entre les mains ?
M.O. : Ce premier album venait clore une boucle de plus de trois ans. Impossible de dire ce que j'ai ressenti. Je peux te dire que j'ai pleuré, tout simplement. Beaucoup pleuré. Non pas tant pour moi, l'auteur, au sens d'un aboutissement. C'était devenu accessoire. Non, j'ai pleuré en lisant et relisant ce premier album, parce que les personnages étaient vivants, libres. Et ça voulait dire qu'Olivier et moi nous étions allés au bout de nous et de notre travail.
Au fond tu vois, j'ai voulu écrire un moment où le personnage trouve un livre et le lecteur fait wow.
Et ce moment je l'ai vécu quatre ans après l'avoir imaginé. J'étais le personnage et j'étais le lecteur.
Tu vois, tout est scénario...

 

2 commentaires:

  1. embrasse ton amie de ma part, félicite son chéri C'est une belle histoire lorsque le talent finit par être reconnu et parfois dans notre société si bête et si matérialiste, ce n'est pas toujours le cas

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    1. Je vais transmettre :-)
      Oui, je suis d'accord avec toi, heureusement que la bêtise et le matérialisme ne priment pas toujours...
      Des bises :-)

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